Biographie de Marcel Pagnol |
|
1889 |
Nomination de Joseph Pagnol à un poste d'instituteur à Aubagne |
1893 |
Joseph Pagnol épouse Augustine Lansot |
1895 |
Naissance de Marcel le 28/02 au 16, Cours Barthélemy à Aubagne |
1897 |
Installation de la famille à Saint-Loup |
1998 |
Naissance de Paul Pagnol (le Petit Paul des "Souvenirs d'Enfance") |
1900 |
Déménagement à l'école du Chemin des Chartreux |
1902 |
Naissance de Germaine Pagnol |
1904 |
Premières vacances à la Treille (la Bastide Neuve) |
1905 |
Elève au Lycée Thiers à Marseille |
1909 |
Naissance de René Pagnol |
1910 |
Mort d'Augustine Pagnol |
1913 |
Marcel obtient le Bac Philo (mention assez bien) |
1914 |
Fondation de la revue "Fortunio"
qui deviendra célèbre sous le titre "Les Cahiers
du Sud" |
1916 |
Marcel épouse Simone
Collin |
1917 |
Professeur-adjoint
d'anglais à Pamiers sur Ariège puis au lycée Mignet à Aix en Provence |
1920 |
Professeur-adjoint au lycée
Saint-Charles à Marseille |
1921 |
"La Petite Fille aux Yeux Sombres" |
1922 |
Professeur-adjoint d'anglais au lycée Condorcet à Paris |
1924 |
"Tonton", comédie |
1925 |
"Les Marchands de Gloire", pièce satirique en 5 actes |
1926 |
"Un Direct au Cur", comédie. "Jazz", pièce en 4 actes |
1927 |
Marcel Pagnol abandonne l'enseignement |
1928 |
"Topaze", comédie en 4 actes |
1929 |
"Marius", pièce en 3 actes et 6 tableaux |
1930 |
Premier film sous la direction d'Alexandre Korda |
1931 |
"Fanny", pièce en 3 actes et 4 tableaux |
1932 |
Parution de "Pirouettes",
un roman écrit en 1922 |
1933 |
"Joffroi", film. Fondation des "Artistes Associés". |
1934 |
"Angèle", film |
1935 |
Films : "Merlusse", "Cigalon". Fondation des "Cahiers du Film" |
1936 |
Films : "César", "Topaze" |
1937 |
Films : "Regain", "le Schpountz" |
1938 |
Film
: "La Femme du Boulanger" Inauguration des Studios Marcel Pagnol à Marseille |
1940 |
"La Fille du Puisatier" |
1941 |
"La Prière aux Etoiles", film inachevé |
1944 |
"Le Songe d'une nuit d'été" |
1945 |
Film : "Naïs. Mariage avec Jacqueline Bouvier |
1946 |
Pagnol élu à
l'Académie Française |
1947 |
Pagnol reçu sous la Coupole. "Hamlet" de Shakespeare |
1948 |
Film : "La Belle Meunière" |
1950 |
Film : "Topaze" avec Fernandel |
1951 |
Naissance d'Estelle. Mort de Joseph Pagnol |
1952 |
Film : "Manon des Sources" |
1954 |
Film : "Les Lettres de mon Moulin" |
1955 |
"Judas", pièce en 5 actes. Mort d'Estelle |
1956 |
"Fabien", comédie en 4 actes |
1957 |
"Souvenirs d'enfance", "1.La Gloire de mon Père" |
1958 |
"Souvenirs d'enfance", "2. Le Château de ma Mère" |
1960 |
"Souvenirs d'enfance", "3. Le Temps des secrets" |
1962 |
Inauguration du Lycée Marcel Pagnol à Marseille |
1963 |
"L'Eau des Collines", roman, "Jean de Florette", "Manon des Sources" |
1964 |
"Le Masque de Fer", essai historique |
1974 |
Mort à Paris de Marcel Pagnol (18 avril) |
1977 |
"Le Temps des Amours" |
1985 |
Création au théâtre de "La Femme du boulanger" |
1986 |
"Jean de Florette" et "Manon des sources" tournés par Cl. Berri |
L'inauguration du Lycée Marcel Pagnol Le samedi 6 Octobre 1962, jour de l'inauguration du lycée, un cortège officiel, mené par Marcel Pagnol et Gaston Deferre, remontait la fameuse allée des platanes, précédé par des huissiers municipaux : "On dirait des amirals", lança un élève, remarque qui n'aurait pas déparé une pièce de Pagnol et qui montrait que son esprit n'était pas mort à Marseille C'est sur le même ton que, selon "Le Provençal", l'Académicien lança : "A vous dire vrai, lorsque j'ai vu mon nom sur la grille du lycée, j'aurais préféré le voir écrit à l'encre noire sur le cahier de retenues du surveillant général." Toutefois, l'importance de la création de ce grand lycée, destiné à répandre les connaissances scientifiques et la culture classique dans la banlieue Est de Marseille, n'échappait pas à Marcel Pagnol : "Ce lycée moderne, noyé dans la verdure, est, en fait, une très vieille école car il me fait penser à ce Lycée où Aristote, assis sur un banc, était entouré de ses jeunes élèves." Le Maire de Marseille s'adressait ensuite aux nombreux élèves qui l'entouraient : "Je veux que vous compreniez que si le fils de l'humble instituteur de Saint-Loup est ce qu'il est, il le doit à ses dons exceptionnels mais aussi à son travail." Plus de trente ans après, Pagnol est demeuré "ce lycée moderne noyé dans la verdure" où les vertus du travail savent se conjuguer avec la joie de vivre. |
lors de l'inauguration du lycée "Je vous remercie, avec une grande et profonde émotion, d'avoir inscrit sur la façade du plus beau lycée de France, mon prénom, suivi du nom de mon père, l'instituteur de Saint-Loup. Je peux vous dire maintenant que la cérémonie d'aujourd'hui m'en rappelle une autre, qui eut lieu, il y a bien longtemps, dans la petite école communale de Saint-Loup, à cinquante mètres d'ici. Mon père y était instituteur et il reste sans doute encore dans cette charmante bourgade quelques uns de ses anciens élèves, qui doivent avoir des barbes blanches Un matin, malgré mon jeune âge, il m'emmena dans sa classe pour assister à un événement important. Dans un grand silence, il écrivit la date sur le tableau noir qui était quadrillé de fines raies rouges : mais au lieu de l'écrire tout en haut, il l'installa au beau milieu du tableau en grandes lettres moulées. Cette date, c'était le 3 janvier 1901, celle de la première classe d'un siècle nouveau. Il fit ensuite un discours dont je ne compris pas grand-chose, mais que j'ai entendu souvent par la suite. Il disait que l'époque qui commençait ce jour-là serait celle de la science, et que nous aurions le privilège de voir des miracles qui feraient le bonheur de l'humanité. Il nous annonça l'avenir de l'automobile. On en voyait passer quelquefois une ou deux, annoncées par de crépitantes détonations, qui faisaient sortir tout le monde sur le pas des portes. Conduites évidemment par des fous intrépides, elles traversaient Saint-Loup dans un nuage asphyxiant de fumée bleue. Il nous affirma que ces voitures se multiplieraient à l'infini, qu'elles rouleraient beaucoup plus vite, qu'elles seraient à la disposition de tous, et qu'on les verraient conduites par des personnes raisonnables, peut-être même par des prêtres ou par des mères de famille. Il parla ensuite des aéroplanes: M. Ader faisait depuis quelque temps des expériences, et il avait volé plusieurs fois à plus de trois mètres du sol, et sur des distances de plus de soixante mètres. "Ces aéroplanes, nous dit-il, vous les verrez passer là-haut, dans les nuages. Ils voleront aussi vite que des hirondelles, qui sont les plus rapides des océans". Il nous annonça ensuite que toutes les maisons auraient le gaz, la lumière électrique et parfois le téléphone, qui permettrait de parler - sans crier - à des personnes qui seraient à Aubagne ou à Saint-Marcel. C'était un vrai conte de fées, et je crois qu'il n'eût pas osé parler avec une si sincère conviction devant de grandes personnes. Ces incroyables prophéties se sont pourtant réalisées, et le progrès est allé bien au delà de ses prévisions les plus audacieuses, bien avant la fin de ce siècle "
|
La célèbre partie de cartes
Marius
Il est neuf heures du soir. dans le petit café, Escartefigue, Panisse, César et M. Brun sont assis autour d'une table. Il jouent à la manille. Autour d'eux, sur le parquet, deux rangs de bouteilles vides. Au comptoir, le chauffeur du ferry-boat, déguisé en garçon de café, mais aussi sale que jamais.
(Quand le rideau se lève, Escartefigue regarde son jeu intensément, et, perplexe, se gratte la tête. Tous attendent sa décision.)
Eh bien quoi ? C'est à toi !
Je le sais bien. Mais j'hésite (Il se gratte la tête. Un client de la terrasse frappe sur la table de marbre.)
Hé, l'extra ! On frappe ! (Le chauffeur tressaille et crie)
Voilà ! Voilà ! (Il saisit un plateau vide, jette une serviette sur son épaule et s'élance vers la terrasse.)
Tu ne vas pas hésiter jusqu'à demain !
Allons, capitaine, nous vous attendons ! (Escartefigue se décide soudain. Il prend une carte, lève le bras pour la jeter sur le tapis, puis, brusquement, il la remet dans son jeu.)
C'est que la chose est importante ! (à César) Ils ont trente-deux et nous, combien nous avons ? (César jette un coup d'il sur les jetons en os qui sont près de lui, sur le tapis.)
Trente.
Nous allons en trente-quatre.
C'est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd.
C'est pour ça que je me demande si Panisse coupe à cur.
Si tu avais surveillé le jeu, tu le saurais.
Eh bien, dis donc, ne vous gênez plus ! Montre-lui ton jeu puisque tu y es !
Je ne lui montre pas mon jeu. Je ne lui ai donné aucun renseignement.
En tous cas, nous jouons à la muette, il est défendu de parler.
Et si c'était une partie de championnat, tu serais déjà disqualifié.
J'en ai souvent vu des championnats. J'en ai vu plus de dix. Je n'y ai jamais vu une figure comme la tienne.
Toi, tu es perdu. Les injures de ton agonie ne peuvent pas toucher ton vainqueur.
Tu es beau. Tu ressembles à la statue de Victor Gélu.
Oui, et je me demande toujours s'il coupe à cur. (A la dérobée, César fait un signe qu'Escartefigue ne voit pas, mais que Panisse a surpris.)
Et je te prie de ne pas faire de signes.
Moi je lui fais des signes ? Je bats la mesure.
Tu ne dois regarder qu'une seule chose : ton jeu. (à Escartefigue) Et toi aussi.
Bon. (Il baisse les yeux vers ses cartes.)
Si tu continues à faire des grimaces, je fous les cartes en l'air et je rentre chez moi.
Ne vous fâchez pas, Panisse. Ils sont cuits.
Moi, je connais très bien le jeu de manille, et je n'hésiterais pas une seconde si j'avais la certitude que Panisse coupe à cur.
Je t'ai déjà dit qu'on ne doit pas parler, même pour dire bonjour à un ami.
Je ne dis bonjour à personne. Je réfléchis à haute voix.
Eh bien ! Réfléchis en silence (César continue ses signaux) Et ils se font encore des signes ! Monsieur Brun, surveillez Escartefigue, moi, je surveille César. (Un silence. Puis César parle sur un ton mélancolique.)
Tu te rends compte comme c'est humiliant ce que tu fais là ? Tu me surveilles comme un tricheur. Réellement, ce n'est pas bien de ta part. Non, ce n'est pas bien.
Allons, César, je t'ai fait de la peine ?
Quand tu me parles sur ce ton, quand tu m'espinches comme si j'étais un scélérat Je ne dis pas que je vais pleurer, non, mais moralement, tu me fends le cur.
Allons, César, ne prends pas ça au tragique !
C'est peut-être que sans en avoir l'air, je suis trop sentimental. (à Escartefigue) A moi, il me fends le cur. Et à toi, il ne te fait rien ?
Moi, il ne m'a rien dit.
O Bonne Mère ! Vous entendez ça ! (Escartefigue pousse un cri de triomphe. Il vient enfin de comprendre, et il jette une carte sur le tapis. Panisse le regarde, regarde César, puis se lève brusquement, plein de fureur.)
Est-ce que tu me prends pour un imbécile ? Tu as dit : "Il nous fend le cur" pour faire comprendre que je coupe à cur. Et alors, il joue cur, parbleu ! (César prend un air innocent et surpris.)
Tiens, les voilà tes cartes, tricheur, hypocrite ! Je ne joue pas avec un Grec ; siou pas plus fada qué tu, sas ! Foou pas mi prendré per un aoutré ! (Il se frappe la poitrine.) Siou mestré Panisse, et siès pas pron fin per m'aganta !
|